Lettre ouverte au Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation

entete collectif

Si la déréglementation du charançon rouge des palmiers devait être confirmée, cela signerait la fin inéluctable de notre patrimoine commun et l'abandon par notre dispositif de lutte contre les organismes nuisibles, d'un combat que nous ne pouvons pas perdre si  nous voulons être en capacité de préserver nos cultures ornementales et vivrières.

 

 

Le 9 avril 2018, le Collectif méditerranéen pour la sauvegrade des Palmiers (CMSP)

écrit à Monsieur Stéphane TRAVERT, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation

 

 

Lettre ouverte  à

    Monsieur Stéphane TRAVERT
    Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation
    Hôtel de Villeroy 78 rue de Varenne
    75007 PARIS


Objet : modification de l'arrêté du 21 juillet 2010 pour éradiquer le charançon rouge et sauver les palmiers.

Sauver les palmiers, pourquoi c’est encore possible !

A défaut d’avoir mis en œuvre une stratégie d’éradication du charançon rouge adaptée à l’ampleur de la catastrophe environnementale  annoncée par les scientifiques, notre région a perdu près de la moitié de ses magnifiques palmiers Phoenix canariensis depuis 2007 et le CRP menace de disparition rapide la moitié restante constituée d’exemplaires exceptionnels et, à terme, l’ensemble des palmiers devenus indissociables de notre paysage méditerranéen..
Dans le contexte international actuel, d’aucuns soutiendront qu’il y a des dossiers plus urgents à traiter que de sauver les palmiers.
Nous pourrions entendre ce propos si nous oubliions :
    • les enjeux économiques et les pertes financières qui dépassent maintenant 700 millions d’euros, supportées par les collectivités et en grande partie (75 à 80 %) par les propriétaires privés ;
    • la contribution de ces palmiers à l’attrait touristique et au développement de notre région dont ils sont devenus les ambassadeurs ;  
    • que de l’autre côté de la méditerranée c’est toute une activité économique qui est menacée pour les pays producteurs de dattes, avec des conséquences sociales prévisibles dramatiques;
    • que c’est  démontrer l’incapacité de nos pays européens à se doter d’une stratégie efficace, de méthodes, d’outils et d’une organisation capable de faire échec à une espèce invasive nuisible qui demain s’attaquera à d’autres plantes ornementales, forestières ou même alimentaires et pourra menacer l’équilibre de notre environnement et de notre économie.

La capitulation de la Communauté européenne qui vient de décider la déréglementation de la lutte obligatoire contre le charançon reste incompréhensible pour les propriétaires de palmiers, car elle signe la fin définitive des palmiers sur l’ensemble du littoral méditerranéen.
Dès lors, ils considèrent que la responsabilité du désastre incombe aux autorités sanitaires qui n’ont pas su mettre en place, sur les territoires contaminés, les actions qui  devaient permettre l’éradication du charançon rouge et ainsi de sauver les palmiers.
Il s’agit d’un échec patent doublé d’un véritable scandale qui mérite être porté sur la place publique.
Pour autant,  tout n’est pas perdu, et il est encore possible d’éradiquer le charançon rouge en France, à condition de ne plus perdre de temps dans des expériences hasardeuses qui se sont révélées catastrophiques, comme  celles conduites par la Ville de Nice au parc du Castel des deux rois depuis 2015 et plus récemment en 2017 au parc Vigier.
Ce  ne sont pas les dispositions techniques de l’arrêté de 2010 qui posent problème mais l’absence de volonté politique d’appliquer une stratégie de lutte collective, seule capable de produire des résultats.
Depuis 2010 tous les traitements individuels que ce soit au niveau des collectivités ou des propriétaires privés
se sont traduits, à terme, par des échecs et sont restés sans effet sur la propagation du charançon.
C’est dans cette absence de gestion et d’organisation de la lutte à l’échelle du territoire qu’il nous faut chercher l’erreur qui a été commise, mais également à ce niveau que se situe la solution.
La lutte collective, ça marche et les premiers résultats sont là pour en témoigner.
La Communauté d’agglomération Var Estérel Méditerranée (Cavem) et l’association Propalmes83 ont fait la démonstration avec l’opération  ARECAP, de la faisabilité et du réalisme économique de la lutte collective.
4644 palmiers publics/privés ont été traités en 2017 et  les services techniques de la Cavem ont pu mesurer, fin décembre 2017, les résultats des traitements effectués depuis juin 2016 sur  2701 palmiers référencés.
Le taux d’échec est inférieur à 1,5 %  (alors que le taux d’infestation avant ARECAP  était de 19,3 % de  2014 à 2015) et ce malgré la présence de foyers encore très actifs.  
A l’instar d’ARECAP, 6 municipalités des Alpes Maritimes se sont  regroupées à l’initiative de la ville de Vence pour organiser une lutte collective sur leur secteur respectif, grâce à la plateforme Palmiers06  mise en place par l’association des Palmiers du Pays Vençois. En ce printemps 2018, ce sont bientôt 10 communes qui participent au programme initié par Vence. Plusieurs collectivités du Var et des Bouches du Rhône ont également entrepris une démarche pour permettre aux propriétaires privés de faire traiter leurs palmiers à des coûts incitatifs.
Elles ont bien compris qu’il fallait passer du chacun pour soi actuel qui ne fonctionne pas,  pour aller vers le traitement collectif qui permettra la régression rapide et massive du CRP.
Lorsqu’il ne subsistera que dans quelques foyers bien circonscrits, il deviendra alors tout à fait possible de l’éradiquer avec des moyens biologiques.  

Nous observons depuis plusieurs années, que  les services du Ministère bien que sollicités à maintes reprises par les questions écrites de nos députés, mais aussi par les collectivités et les associations de propriétaires membres de notre Collectif, sont restés inexplicablement silencieux !
En fonction des dispositions  que vous allez devoir engager suite aux décisions européennes, et en raison de la gravité de la situation, il apparaît qu’une concertation doit être organisée au plus vite par vos services, en collaboration avec les collectivités et les associations de propriétaires qui se sont engagées dans la lutte collective et dans le respect des dispositions actuelles de l’arrêté de 2010.
Nous vous demandons d’appliquer la seule solution susceptible de corriger les errements antérieurs, de soutenir l’action des associations et collectivités territoriales précurseurs dans la lutte collective, de défendre leurs intérêts et par voie de conséquence, de garantir leurs engagements en organisant la lutte contre le charançon rouge du palmier, ce qui n’avait jamais été fait en dehors des actions menées par la Cavem et la Plateforme Palmiers06 à Vence.
Il conviendra de traiter les aspects suivants :
    • maintien du régime obligatoire contre le CRP sur le territoire français ;
    • généralisation de la lutte collective obligatoire dans les zones contaminées étendues et en y interdisant l’importation de palmiers ;
    • maintien des dispositions actuelles de surveillance et de prévention dans les zones non contaminées notamment en imposant la quarantaine obligatoire pour l’importation de palmiers ;
    • faculté pour tous les professionnels agréés par les Draaf  dans le traitement du CRP, de pouvoir appliquer l’ensemble des traitements ayant reçu une AMM et participer ainsi et sans exclusion,  à la lutte collective.
Nous exprimons ici notre volonté de participer à la réunion de concertation que vos services se doivent dorénavant d’organiser et nous tenons à votre disposition pour tout complément d’information.
Nous nous permettons de vous transmettre une copie du compte-rendu de notre réunion du 31 janvier 2018 à Antibes au cas où vous ne l’auriez pas reçue.
Nous communiquerons avec plaisir votre réponse aux membres de notre Collectif (associations, ASL, CIL, scientifiques et professionnels), ainsi qu'aux médias locaux et nationaux pour que tous les propriétaires de palmiers de la région en soient informés.
Nous vous remercions pour votre compréhension et vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de notre très haute considération.

    Michel Ferry
    Président du Collectif méditerranéen pour la sauvegarde des palmiers
    Expert de la FAO pour la lutte contre le charançon rouge

 

Propalmes83, membre actif du CMSP apporte son soutien total à la démarche du CMSP et à son action.