Traitements préventifs des palmiers contre le charançon rouge interdits sauf exceptions !

En résumé : le traitement préventif des palmiers contre le charançon rouge avec des insecticides chimiques est interdit, sauf exceptions (communes dont le plan de lutte aura été validé par le Préfet de région). Seuls restent autorisés les traitements utilisant des produits de biocontrôle (Beauveria bassiana souches 111,147 et 203 qui disposent d'une AMM ) ou des nématodes.

ATTENTION : depuis la mise en application le 1er juillet 2022 de l'Arrêté ministériel du 15 janvier 2021 (loi Labbé renforcée), les particuliers et les professionnels ont maintenant interdiction d'utiliser des produits phytopharmaceutiques (ou PPP , incluant les insecticides produit par synthèse chimique) dans les espaces privés (espaces extérieurs, ou d'agréments, propriétés privées, hôtels, auberges collectives, campings, parcs résidentiels ou de loisirs, parcs d'attractions, etc...(voir le texte de loi ci-dessus). A noter que les collectivités avaient déjà interdiction d'utiliser les PPP dans les espaces publics, sauf exceptions, depuis le 1er Janvier 2017 (application de la loi Labbé 2014-110 et LTE 2015-992 du 17 août 2015).

Quelle incidence pour la lutte contre le charançon rouge ?

Très clairement cela veut dire que l'utilisation des insecticides chimiques, y compris par les professionnels agréés, est interdite sauf exceptions prévues par la loi  (arrêté du 15 janvier 2021 applicable au 1er juillet 2022) : Art 14-4 -1° et 2°:

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Il faut donc non seulement que les traitements soient nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles réglementés (ce qui est le cas du charançon rouge du palmier (CRP) mais qu'ils soient ordonnés.

On pourrait penser qu'ils sont ordonnés puisqu'ils sont nécessaires et même indispensables pour lutter contre le CRP et que l'article 1 de l'arrêté du 25 juin 2019 déclare la lutte obligatoire sur tout le territoire national !

230125 article 1 25 juin 2019

Eh bien non ! Comme vous le savez sans doute le Ministère considère, puisque les régions du bassin méditerranéen sont infestées par le CRP, que les traitements préventifs n'y sont plus obligatoires sauf dans le cas d'un plan de lutte validé par le préfet de région. Une décision, contraire aux recommandations des experts internationaux de la FAO, que nous avons critiquée dans plusieurs de nos articles précédents, car susceptible de porter un grave préjudice à tous les propriétaires de palmiers de notre région méditerranéenne. Par analogie avec l'infestation de la population humaine par la Covid cela reviendrait à dire que puisque le virus est maintenant largement répandu, la vaccination est interdite !

Il faut donc considérer 2 cas : celui des traitements des palmiers infestés et le cas des traitements préventifs des palmiers sains ou asymptomatiques.

Cas 1 : traitements des palmiers infestés (curatifs)

A noter que, dans ce cas, les traitements sont obligatoires sur tout le territoire national et doivent être effectués par des professionnels agréés par la Draaf-Paca.  La liste est publiée sur leur site Internet.

230125 article 7a 25 juin 2019

C'est donc le protocole d'intervention sanitaire sur les palmiers infestés par le charançon rouge du palmier (Rhynchophorus ferrugineus) qui s'applique ( DGAL/SDQSPV/2019-531 du 10/07/2019 rectifié le 10/07/2019 ) lequel impose d'éliminer les parties infestées et de faire :

1° des traitements fongicides avec des produits disposant d' une autorisation pour l'usage n°14053200 « Arbres et arbustes*Trt Part.Aer.*Maladies diverses ;

2° des traitements insecticides préventifs avec des produits disposant d'une autorisation pour l'usage n°00002009 « Arbres et arbustes*TrtPart.Aer.*Charançon rouge du palmier.

Les seuls insecticides utilisables, en traitement préventif des palmiers infestés, en plus des nématodes, sont actuellement :

- les Beauveria bassiana : souche NPP111B005 (SERENISIM d'Arysta Lifescience) - souche 147 (OSTRINIL d'Arysta Lifescience) - souche 203 (Phoemyc + de Glen Biotech) - voir ci-dessous les liens vers nos articles précédents concernant le Beauveria Bassiana. Produits dont l'utilisation est contraignante, dangereux pour les abeilles selon les experts de l'EFSA et dont l'efficacité est incertaine.

- le Revive 2 de Syngenta utilisé en injection. Insecticide chimique confiné dans le stipe du palmier sans contact avec l'environnement  dont l'efficacité est démontrée sur des milliers de palmiers traités depuis 2016 (voir ARECAP) et ne nécessitant qu'un seul traitement par an.

Malheureusement aucun d'eux n'est capable, à lui seul, d'assurer une protection immédiate suffisamment efficace.

Pour protéger efficacement un palmier d'une ré-infestation par le CRP il faudrait pouvoir doucher les parties blessées avec un insecticide liquide de type Karaté Zéon (voir sa fiche sur le site ephy de l'Anses) afin d' attendre les quelques jours nécessaires à la substance active du Revive2 pour diffuser dans l'ensemble de la frondaison après l'injection.

Même si le Karaté Zéon possède une autorisation pour un usage contre les coléoptères et les chenilles processionnaires, son utilisation reste interdite dans la lutte contre le CRP. (Voir notre précédent article sur les traitements mixtes ).

Cas 2 : traitements préventifs des palmiers.

Pour qu'ils soient "ordonnés" et deviennent "obligatoires" il devient donc indispensable que les collectivités infestées du pourtour méditerranéen aient fait approuver un plan de lutte collective comportant les 3 points imposés par l'arrêté du 25 juin 2019 art.7 §b, i,ii, iii

i. Un plan de surveillance et un réseau de piégeage;

ii. Le traitement préventif de tous les palmiers du domaine public;

iii. L’évacuation adaptée des déchets, y compris chez les particuliers.

Faute de quoi les traitements préventifs à base d'insecticides chimiques (dont l'injection de Revive) sont interdits depuis le 1er juillet 2022 en application de l'arrêté du 15 janvier 2021 (loi Labbé renforcée). Certains professionnels en ont déjà été avisés par le Sral (Service régional de l'Alimentation) en charge de cette question.

 

230125 article 7 25 juin 2019

 Les traitements préventifs, lorsqu'ils sont ordonnés, sont alors les mêmes que dans le cas 1.

Une situation tout à fait paradoxale puisque les palmiers infestés ont eux l'obligation d'être traités préventivement après assainissement. Pendant combien de temps ? Aucune réponse ne nous a été donnée à ce sujet ! Le traitement préventif ayant pour objet d'éviter une ré-infestation, on devrait donc considérer que ces traitements préventifs sont autorisés tant que la zone reste contaminée. Alors pourquoi, dans les communes du bassin méditerranéen qui se trouvent en zone contaminée, les traitements préventifs des palmiers asymptomatiques resteraient-ils interdits puisqu'il s'agit de les préserver d'une infestation hautement probable compte tenu du taux d'infestation de nombreuses communes ?

Une logique qui nous échappe et qui n'a rien de scientifique ! 

D'autant plus qu'une collectivité pourrait décider de ne pas déposer un plan de lutte, entre autres : celles qui n'ont pas de palmiers publics ou pas de palmiers sensibles aux CRP !

D'ailleurs devant le travail administratif à engager, et les démarches à effectuer, aucune commune n'a encore déposé un plan de lutte approuvé à ce jour 25 janvier 2023 (suivant les informations communiquées par le Sral) !

De ce fait l'Administration interdit aux propriétaires privés qui voudraient protéger leurs palmiers, de les faire traiter préventivement par injection. Or, rappelons+le, les palmiers privés représentent 80 à 90% du total !

On marche sur la tête !

L'injection d'émamectine benzoate (Revive2) est considérée, de loin, comme le traitement le plus performant, le plus sûr, le plus accessible, et le plus facilement applicable en lutte collective et qui permettrait d'obtenir la régression du CRP.  La stratégie reposant entre autres sur les injections a été approuvée par l'INRA, FNE et FREDON PACA car considérée comme la seule réaliste pour obtenir la régression du CRP.

L'Administration pourrait, ainsi entraver Arecap, la seule lutte collective organisée en France sur le territoire d'Estérel Côte d'Azur Agglomération (ex Cavem) portant sur plusieurs milliers de palmiers publics et privés depuis 2016 et dont les résultats  sont encourageants aussi bien en ce qui concerne la baisse du nombre de captures constatée dans les 1000 pièges installés sur le territoire que sur l'amélioration globale de l'état sanitaire des palmiers. Il faudrait au contraire faciliter l'organisation de telles luttes collectives dans toute la région que ce soit à l'initiative des communes ou celle des associations de propriétaires privés.

Espérons que la raison et la volonté de sauvegarder ce qui reste encore aujourd'hui d'un patrimoine végétal, emblématique de nos régions méditerranéennes, finisse par se généraliser et remonter jusqu'à Paris !  

 

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